Aujourd'hui est un jour spécial car j'écris de la cuvette de Dien-Bien-Phu (DBP) - en réalité plutôt une vallée de 20 km de long sur 5 à 6 km de large orientée Nord-Sud - dans un hôtel à proximité de l'aéroport et de la rivière Song Nam qui coupe la vallée en deux, à 500 km de Hanoï qui peuvent se faire en neuf heures d'une bonne route sinueuse ou en 1h00 d'avion comme nous de 10h00 à 11h00 ce matin.
Dans l'avion, en regardant le paysage très vallonné, voire découpé, des collines puis des montagnes (jusqu'à 1800 m d'altitude), les pistes, les routes, les villages et les cultures qui rompent en de rares endroits la couverture de la végétation, je pensais aux avions de transport venant d'Hanoï qui avaient constitué le cordon ombilical du camp retranché pendant des mois, en utilisant la piste, puis les largages, une fois celle-ci, prise sous le feu de l'artillerie ennemie, devenue inutilisable...
Je pensai surtout au sacrifice de milliers de soldats français, je pensai à Vincent Garufi le soldat, à Bigeard le commandant, à Gindre le chirurgien ancien enfant de troupe d'Autun, aux 13 000 prisonniers qui partent vers les camps viet-minh le 7 mai 1954 et dont plus de 8000 ne survivront pas, aux livres entre autres de Jules Roy et Bigeard... qu'il me faudra relire à la lumière de cette visite.
Cette après-midi avec une voiture et un guide parlant anglais nous allons à 40 km de DBP en direction de Hanoï pour voir le PC du général Giap du 31 janvier au 15 mai 1954; nous voyons d'abord un monument grandiose au bord de la route, puis un autre à l'entrée du site (voir photos), exaltant le patriotisme avec l'oncle Ho et le général Giap en tête, puis, à partir d'un village de Thaïs noirs (la population locale) nous suivons un chemin de 2 km aménagé et tracé au milieu de la forêt à flanc de montagne où nous découvrons des abris figurant des salles de réunion, d'opération, de transmission, des aires pour la cuisine et les repas, un souterrain de 80 mètres de long où était le logement et le PC du général Giap, etc..., donc une reconstitution du passé car rien ne date évidemment de l'époque.
Le principal intérêt de cette ballade est le contact avec les paysans, la campagne, les rizières, les villages où nous nous arrêtons pour prendre des photos; notre guide achète un coq vivant et des légumes et nous assistons à la capture du coq qui mobilise une quinzaine de personnes, dont une douzaine d'enfants, et nécessite une bonne vingtaine de minutes entrecoupées de courses et de rires; enfin, le coq est dans son sac plastique - avec un trou pour respirer - et dans le coffre de la voiture.
Demain, à 8h00 nous allons voir le musée, un monument et quelques sites de la bataille dont le PC du général de Castries et les collines "Dominique", "Gabrielle", "Isabelle"...
Ici, nous sommes bien accueillis comme des clients, sans aucune animosité, plutôt avec une certaine bienveillance qu'on ne veut pas trop ostensible et on se sent bien en discutant du passé de façon informationnelle, sans esprit polémique avec des gens qui n'ont pas connu cette époque. A proximité du site du PC de Giap, dans une maison de villageois dans laquelle nous pénétrons au sous-sol (celle du coq) il y a un hôtel consacré au général Giap qui est vénéré ici, non par patriotisme, mais pour le bien, les dons qu'il a faits aux populations locales...