Mercredi soir, nous avons vu le one man show de Fabrice Lucchini dans "Poésies?" au théâtre des Mathurins.
Outre la performance physique, intellectuelle et vocale de l'artiste qui arrive à mettre en valeur par sa sensibilité et sa diction la richesse des oeuvres de Baudelaire, de Rimbaud ou de Céline, ce spectacle m'a confirmé dans mes certitudes - depuis l'adolescence - sur l'importance de la poésie. C'est, au-delà de la sonorité des mots et du rythme, une évasion, un refuge et un repère car la poésie est intemporelle et accessible à tous...
A côté de Victor Hugo, Alexandre Dumas, Jules Verne, Jean de La Fontaine, quel bouquin de poésie va m'accompagner durant notre voyage? Baudelaire, c'est sûr, dont le Poème, Le voyage, est d'actualité.

LE VOYAGE (première partie)

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !